Mes écouteurs se balançant au rythme de mes pas, j'arrivais à pieds à Smoothness Hill. Owl City m'accompagnais avec Shooting Star, et je me retenais tout juste de chanter. Si j'avais voulu un peu de pluie, je l'aurais sans aucun doute fait. Mais le soleil était au rendez-vous, et il me rappelait trop chèrement l'Italie de mon enfance. Je n'avais aucune raison de le chasser, alors je me contentais de fredonner.

Le bruit des écuries s'annonçait déjà : les premiers hennissements des chevaux du matin, les premières allées et venues des sabots sur la cour pavée, le bruit sourd de la brouette et de la paille remuée. Un matin normal pour des écuries. Et si étrange pour moi, jeune demoiselle riche et complètement étrangère à ce monde. Secrètement, j'espérais pouvoir m'y faire. Après seulement quelques jours, la vie ici me plaisait. Je pouvais revenir voir mon père autant de fois que nécessaire, sans donner d'explications sans fin. J'avais mon petit Tazz, ma gentille colocataire... Le monde tournait plus ou moins rond pour le moment. Et malgré ma furieuse envie de tourner à l'envers, la routine agréable de cette vie m'avait déjà accueillie...


Une voiture était garée, son propriétaire s'extirpait tout juste de l'habitacle. Bien que ma mémoire ne s'arrête pas forcément sur ce genre de choses, je ne la reconnaissais pas. Pas plus que l'homme brun absorbé par le paysage. Un nouveau, donc. L'écurie s'agrandissait de jour en jour, devenant de plus en plus une communauté. Pour le moment, j'étais bien et pas trop à l'étroit. Mais je ne pouvais prévoir l'avenir... Et pas non plus prédire où j'allais être un an plus tard. Voire même le mois prochain. Même si mes souhaits se tournaient vers ici...

D'un pas léger, je m'approchais de l'inconnu. Ce n'était pas dans mes habitudes d'aborder les gens. Mais je pouvais proposer mon aide, ou au moins lui tenir compagnie... Quelque chose d'indescriptible m'y amenait. D'une brève pression sur mes écouteurs, j'éteignis la mélodie et rangeais le tout dans ma poche. Un -grand- sourire aux lèvres, mon accent italien résonnant dans la cour vide, je me permis de l'interrompre dans ses pensées.

- Bonjour ! Vous êtes nouveau, n'est-ce pas ? Vous avez besoin d'aide peut-être ? Je m'appelle Avril.

L'homme me rend mon sourire, me tends sa main et se présente à son tour. Un nouveau moniteur ? A vrai dire, je ne me suis pas renseignée sur les moniteurs déjà présents ici. Un de plus, un de moins... Je ne m'arrête pas à ça. Mais je connais peu ce monde, et Benedict a l'air sympathique, alors pourquoi pas ? Tous ceux qui sont ici aiment leur métier, à ce que j'ai pu comprendre ou voir. Enfin. Je réfléchis trop, conditionnée comme je l'ai été.

Je lui tends moi aussi la main et serre la sienne. Une main d'homme, effectivement. Je ne sais même pas pourquoi je remarque ça, ni sur quels critères je me base. Mais bon. Je ne vais pas chercher à comprendre plus. D'un ton bas, il m'indique qu'il est perdu. Qui ne le serait pas ici ? Mine de rien, le domaine est grand. J'ai mis plusieurs jours à tout repérer, surtout que je me suis débrouillée seule. Mais je peux l'aider. De la cour, on a vue sur pratiquement tout. Enfin, de la cour, je peux me repérer sans problèmes. Et c'est loin d'être vrai partout.

Avec un petit rire, je lui réponds un "Je te comprends, Smoothness devrait fournir un plan à l'arrivée...". Puis, d'un geste, je désigne tour à tour les bâtiments.
- Là, tu as les écuries. Il y a celle du haras et celle des proprios. Derrière, il y a les infrastructures, le manège, les différentes carrières... Juste là, c'est le Club-House. Tous les paddocks, le terrain de cross et les chemins vers les balades sont réunis là, à votre droite.

Un peu abrupt, très certainement. Mais déjà que je parle, on ne peut pas me blâmer de cela... Voulant un peu engager la conversation, je continue tranquillement.
- Mais sinon, vous arrivez d'où ?